Lettre ouverte
aux caractères protéiformes

La création typographie et éditoriale est fédératrice, ce sont des objets de proximité. Elles permettent d’exprimer ce qui existe de plus profond et de plus sincère en nous : Son origine.

À l’apogée de la mondialisation, l’effacement de nos identités au profit de système normatif nous détourne de ce qui anime: l’acte de créer, de ce qui fait notre particularité en tant que designer, de ce qui nous regroupe collectivement. Cette mondialisation menée par des colosses capitalistes sans vergogne effacent nos plus profondes racines, dans le seul but de généraliser les formes pour graisser les rouages de leurs mécanismes. Leur communication en batterie détourne les plus farouches des résistants et assujettit les plus grands designers au style effacé et sans profondeur, mettant en avant des stratégies fallacieuses au détriment de l’image, du sensible et aseptise notre culture visuelle.

Paul Renner a écrit « l’époque a perdu son style et qu’il faut croire au droit qu’a notre triste époque d’avoir son propre style ». Je crois même que notre époque a le droit d’avoir ses propres styles. Aujourd’hui nous sommes encore dans l’ère dudit style typographique international qui n’a d’intérêt que la richesse de sa structure. La forme n’en est que plus froide lorsqu’elle n’est pas animée par une profonde réflexion encrée sur ses origines.

Mais, plus de 150 après la création de l’Akzidenz-Grotesk, nous retrouvons dans les rues des villes les lettres rectilignes héritées des grotesques sans accident, sans aucune farandole. Ces linéales calcinées nous insensibilisent au vivant. À l’image d’un monde de paraître, ces lettres sont atrophiées par une volonté de simplisme. Nous retenons de nos contemporains citadins les artefacts du passé qui ont bien voulu être publiés. Mais portant un regard approfondi sur les artisans d’antan, de la typographie du second plan, qui ancrés sur leur territoire avaient une volonté de toucher le coeur populaire. Détrompez-vous, ce n’est pas une écuelle du passé ni une volonté de retrouver ce qui a pu être, mais un soutien à toutes les initiatives locales aussi petites soient-elles. Elles sont pertinentes et méritent d’être partagées car elles sont sincèrement enracinées dans le présent.

Laisser place au mouvement typographique régional, permet de combattre le vertige de la simplicité et du conformisme, ce canon archaïque qui date de la Nouvelle typographie. Car n’oublions pas que son ambition était de rompre avec le style de ses contemporains. Le pluralisme des formes peut exister au sein d’un même mouvement, si toutefois ses partisans acceptent que ses différences ne deviennent pas un signe d’opposition, mais une volonté d’ouvrir le dialogue et de partager ses nouvelles formes.